Rénovation des dessous de la voiture
 


Nous utilisons le terme "rénovation" plutôt que celui de restauration car il nous paraît primordiale de garder, ou retrouver, l'aspect original que la voiture avait en 1957 et non pas de lui appliquer ceux de 2004.
Si le gros du travail est identique à celui découlant d'une restauration, les finitions demandent beaucoup plus de renseignements et de temps, comme vous le verrez plus loin...

A première vue la peinture originale de la voiture sera conservée malgré ses nombreuses zones atteintes par la rouille; nous expliquerons en temps utile le procédé qui permettra cependant de retrouver un aspect plus convenable.

Par contre, le châssis et toutes les pièces de suspension sont dissimulées sous une couche d'une demi-douzaine de centimètres d'argile et de craie, révélant une utilisation plutôt champêtre...


Une partie de la terre qui recouvrait tout le châssis...

Ce mélange semble avoir préservé les dessous de la voiture puisque après en avoir retiré plusieurs dizaines de kilos, la superstructure inférieure nous révèlent des points plutôt positifs:
- aucune trou dans les planchers,
- le châssis n'est que superficiellement rouillé,
- environ 70% de la peinture d'origine est encore présente sous les planchers.

Seul point négatif, un renfort de caisse côté passager est percé sur quelques centimètres carré.

Si, comme on le voit ci-dessus, le berceau avant conserve toute sa peinture originale, probablement protégée par les émanations d'huile du moteur, il n'en est pas pareil des longerons du châssis qui demanderont à être traités et repeints.
De plus des renforts ont été soudés sur le châssis afin d'y fixer, à une certaine époque, une attache-caravane...
Point de tergiversation, il faut sortir le châssis pour faire un bon travail!


Ces renforts seront supprimés

Après avoir démonté les éléments de suspension avant et arrière puis désaccouplé les quatorze silent-blocs, l'ensemble châssis-caisse est suffisement surélevé pour pouvoir poser la caisse sur des fûts d'huile et laisser redescendre doucement le châssis...


L'ensemble châssis-caisse est levé avec un transpalette...

Inutile de dire que toutes les mesures de sécurité doivent être prises lors de cette étape et qu'il convient de sécuriser la caisse par de grosses chandelles professionnelles au cas où les fûts viendraient à défaillir!


...puis le châssis est désolidarisé et redescendu.

Le châssis peut être ensuite extrait par l'avant et travaillé avec suffisement d'espace autour.


Difficile d'avoir un meilleur accès au châssis...

Il est soigneusement lavé puis poncé à la ponceuse orbitale (disque de 80, puis 150 puis 240) pour enlever le maximum de rouille.

Les parties moins planes (renforts, soudures) seront décapées et dérouillées avec une perceuse munie d'une brosse métallique.

Une astuce; quand vous pensez avoir terminé cette étape, rentrez chez vous et faite autre chose. Le lendemain, de retour à l'atelier, vous découvrirez à coup sûr des zones qui peuvent être améliorées!
Il faut lutter contre cette tentation bien naturelle de vouloir en terminer avec cette étape ingrate...
Ce processus peut bénéfiquement se répéter pendant plusieurs jours!

Le châssis est maintenant présentable mais, nous le savons, la rouille, même invisible, se cache toujours dans les micro-aspérités du métal.
L'action mécanique ayant ses limites, il faut utiliser un processus chimique pour parvenir à la neutraliser. En l'occurence, il s'agit d'utiliser de l'acide phosphorique qui, très puissant, a le pouvoir de "manger" la rouille en profondeur.

Attention, il existe plusieurs produits à base d'acide phosphorique et la plupart d'entre eux demandent un rincage à l'eau immédiatement après l'action de l'acide (15 à 30 minutes en moyenne), quitte à recommencer le processus si nécessaire.

Tout cela étant long, polluant, dangeureux et peu cohérent, même si l'efficacité est au rendez-vous, nous préférons utiliser un produit qui ne demande pas de rincage; difficile à trouver dans le public, le produit de la marque GEB neutralise et transforme la rouille en une couche neutre et dure en une seule application (malheureusement, aux dernières nouvelles, son distributeur semble avoir fait faillite).

Pour avoir essayé plusieurs dizaines de produits, nous pouvons affirmer que celui-ci n'a rien à voir avec les divers convertisseurs de rouille, stop-rouille, frametal ou autres...
Une fois la réaction chimique terminée (de 24 heures à quelques jours en fonction de l'épaisseur), nous enlevons le maximum de cette couche dure et grise puis passons immédiatement un phosphatant (au chiffon) de chez Restom.

A ce stade, vous vous êtes sans doute déjà demandé pourquoi nous nous embêtons de telle manière plutôt que d'emporter le châssis chez le sableur...

Sans dénigrer de façon catégorique ce choix, nous pensons que ce n'est pas une solution miracle pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il faut savoir qu'un châssis rouille essentiellement de l'intérieur car c'est là que la terre s'accumule sans sécher...
Le sablage, impossible à l'intérieur du châssis, ne présente donc aucun avantage de ce côté là...
(Au contraire, l'aspect flatteur du métal sablé incite beaucoup d'amateurs ou de professionnels peu scrupuleux, à peindre directement le châssis et à considéré le travail comme terminé!)

Quand à l'extérieur, si sabler semble plus efficace que de gratter, c'est souvent au prix d'une pression importante qui impliquera irrémédiablement, et ultèrieurement, un traitement total de la surface du métal (ponçage).
Comme de plus, la rouille ne sera pas totalement éliminée dans les micro-aspérité du métal, il ne reste plus beaucoup d'avantages...

Par contre, les inconvénients sont bien concrets; double transport du châssis, nécéssité d'un travail avec une pression modeste d'où un prix assez conséquent (au minimum une quinzaine d'heure pour un bon travail), obligation de passer un phosphatant dans l'heure qui suit le sablage d'où un timing très précis, etc...

Chacun fera comme bon lui semble mais nul ne devra oublier que, sablage ou pas, la quantité de travail reste sensiblement identique!

Vous l'avez compris, nous sommes loin d'en avoir terminé avec ce châssis...

Tout d'abord, nous ponçons totalement l'intérieur de la traverse avant, puis nous la peignons (voir plus loin pour la qualité de la peinture).

Pendant ce travail qui reste fastidieux et douloureux (la main cogne sans cesse dans le métal), nous mettons en évidence certains points particuliers à la fabrication de notre Chevrolet.

Tout d'abord, les silent-blocs ont été tenus en place durant l'assemblage de la voiture par des morceaux de Chaterton tissés, adhésif qui devra être utilisé à nouveau lors de la repose de la caisse pour des questions de conformité.
Ensuite, on remarque la très mauvaise qualité des soudures des longerons; ce processus n'était alors que partiellement robotisé et les ouvriers ne "faisaient pas dans la dentelle"!
Evidemment, la soudure à l'arc implique une multitude de goutelettes de métal en fusion, venues se coller sur le châssis, qu'il faudra faire sauter, tout comme le laitier encore en place...

De même, on ne sait pas pourquoi, les trous correspondant aux plots de centrage des longerons ont été très grossièrement rebouchés à l'arc (alors qu'il existe des trous juste à côté). Ne vous affolez-pas, votre châssis n'a pas été "bidouillé", tout cela est d'origine, la piètre qualité n'étant que le pendant de la très grande diffusion; plus d'un million d'exemplaires en 1957!

Ici et là, des lettres (B, R, etc...) sont estampées sur les différentes parties du châssis, sans doute pour se répérer lors de l'assemblage ...

Enfin, dernière particularité, une sorte de mastic américain se trouve sous les supports des silent-blocs les plus en avant; nous ne connaissons pas leur rôle mais le laisseront néanmoins en place.

Après toutes ces observations, il est temps de reprendre le travail.

Tout d'abord, pour des questions de finition, nous ferons sauter le maximum de goutelettes de soudures collées au châssis. C'est une opération facile qui se pratique à l'aide d'une disqueuse passée tangentiellement au châssis; pas question de meuler ces goutelettes, ce qui marquerait forcément le châssis, mais bien de les faire sauter!

Ensuite, muni d'un pic de soudeur, nous faisons sauter le laitier encore présent sur certaines soudures pour pouvoir accrocher la peinture sur une surface saine.
Malgré le piteux aspect de ces dernières, nous les laissons telles quelles; pas question de céder à la tentation de customiser le châssis en meulant ou en refaisant ces dernières pour obtenir un aspect plus flateur, et tant pis pour la réputation de Chevrolet!
(A noter que la Cadillac 58 en restauration, qui se trouve à côté de notre Belair, présente des soudures de bien meilleure qualité.)

Après chaque opération, nous phosphatons les zones mises à nues en utilisant la technique du chiffon.

Le châssis peut maintenant recevoir sa couche d'accrochage, en l'occurence une peinture époxy bi-composante en provenance de chez Restom.
Noire satinée, elle sera très soigneusement diluée au diluant cellulosique avant d'être appliquée au pistolet.
Il faut prévoir deux kilos pour peindre l'extérieur du châssis d'une américaine.


Le châssis enfin peint!


Au premier plan, la Cadillac reçoit une sous-couche de peinture à châssis; une alternative plus facile que l'époxy...

La plupart des restaurateurs s'arrêteront là; un beau châssis avec une belle peinture, que demander de plus?


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